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  • Photo du rédacteurLa Fée Clochette

De la liberté d'expression des médecins en France...

Est-il possible, pour des médecins en France, d’exprimer leurs constats sur les possibilités thérapeutiques dans le Covid-19?



Le 18 mai 2022, les Docteurs Stéphane Arminjon, Sophie Gonnet et Edith Kaji ont été convoqués par la chambre disciplinaire du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) de Lyon. Nous vous proposons un résumé des événements qui ont conduit ces trois médecins à être poursuivis par l’Ordre, en préambule à l’interview que le Dr Arminjon a bien voulu nous accorder.


Lorsque l’épidémie de Covid-19 est arrivée en France, très tôt, au vu de la symptomatologie des patients, les Docteurs Stéphane Arminjon, Sophie Gonnet et Edith Kaji ont fait l’hypothèse que les antihistaminiques étaient une piste prometteuse. Ils ont alors partagé leur hypothèse avec les instituts de recherche et leurs collègues médecins. Les retours positifs de confrères qui avaient intégré ces médicaments dans leur protocole de soins les ont encouragés à synthétiser ces données.

Un article du Parisien du 13 avril 2020, dans lequel l’azithromycine est évoquée comme "redoutablement efficace", incite nos trois médecins à contacter le journaliste pour en savoir plus. Ils font alors part de leur hypothèse thérapeutique (les antihistaminiques) et un article intitulé "Coronavirus : à la recherche d’un remède, ces médecins généralistes défient la science" paraît le 20 avril 2020. Le sous-titre de l’article précise les choses : "La publication de possibles remèdes concoctés notamment par des médecins généralistes suscite autant d’espoirs que de vives critiques. Certains ont déjà été rappelés à l’ordre." En effet, les trois médecins ont été reçus en audience de "conciliation" le 14 mai par le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins de la Haute-Savoie. Le 11 juin 2020, le CDOM74 a déposé plainte contre eux ; et le 4 février 2021 le CNOM s’est joint à cette plainte. Dans le même temps, et bien qu’en arrêt de travail, les médecins ont été licenciés pour "faute grave".



A la suite de l’audience du 18 mai à Lyon, le Dr Arminjon nous a fait l’honneur de répondre à nos questions.



Est-ce que cette convocation fait suite à une plainte de patients ou de personnes physiques?


Non. Il s’agit uniquement d’une action entreprise par le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins de Haute-Savoie (CDOM74) faisant suite à la demande du Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) telle qu’indiquée dans son communiqué de presse du 23 avril 2020.

De quand date cette mise en cause?

Le 22 avril 2020, la section santé publique du CNOM a saisi le Président du CDOM74 afin qu’il recueille nos "explications". A la suite de quoi nous avons été reçus, le 14 mai 2020, en audience de "conciliation" par le CDOM74. Ce dernier a formulé une plainte disciplinaire le 11 juin 2020. Le CNOM, quant à lui, a déposé la même plainte disciplinaire le 4 février 2021. A notre connaissance nous sommes les premiers, et sans doute les seuls, à avoir été poursuivis d’emblée par un conseil départemental dans le Covid.


Que vous reproche l’Ordre des médecins?

Il nous est reproché la mise en ligne de notre travail observationnel, le 12 avril 2020, sur le site ResearchGate (forum de discussion pour chercheurs et scientifiques de toutes disciplines avec plus de 15 millions de chercheurs dans 192 pays) ainsi qu’un article du journal Le Parisien en date du 21 avril 2020.

Le CDOM74 (suivi par le CNOM) a formulé les accusations suivantes (schématiquement):

  1. mise en danger des patients;

  2. diffusion de faux espoirs thérapeutiques au travers de notre analyse physiopathologique et de notre proposition de prise en charge du Covid;

  3. réalisation d’étude illégale impliquant la personne humaine.


Quels sont les risques d’une telle accusation?


Une accusation n’a de valeur que si elle repose sur des éléments fondés, ce qui n’est absolument pas le cas ! Cependant, si la chambre disciplinaire devait suivre tout ou partie des accusations du CDOM74 (puis du CNOM qui l’a rejoint tardivement) - et donc ne pas prononcer un acquittement, la gamme de sanctions disciplinaires va de l’avertissement à la radiation.


Vous aviez déjà été convoqués en mai 2020 par le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins de Haute-Savoie. Que pouvons-nous en retenir?


Nous avons été reçus le 14 mai, après avoir dû fournir des explications et justifications appuyant notre prise de position, à la demande écrite du CDOM74 (nous verrons l’importance de ce point un peu après). L’audience de conciliation a débuté par la déclaration du Président du CDOM74 nous disant d’emblée que "compte tenu du rapport de la cours des comptes de décembre 2019 et de la lettre du national, nous serions dans tous les cas déférés au disciplinaire." Ceci a été rappelé lors de l’audience du 18 mai 2022 par la lecture des échanges de courriers qui ont fait suite à cette audience de "conciliation", dont celui du Président du CDOM74 se justifiant du fait qu’il aurait "reçu des consignes". Reste à savoir quelles consignes et pourquoi les autres départements n’ont apparemment pas reçus, eux aussi, de telles "consignes"…

Au-delà de cette étonnante entrée en matière, nous retiendrons que le sujet n’était absolument pas connu, dans sa dimension médicale et scientifique, ainsi que dans sa dimension "communication dans la presse grand public". C’est seulement au cours l’audience, et suite à notre demande, que le Président du CDOM74 a lu l’article du journal Le Parisien, déclarant en fin de lecture : "ah ben il n’y a pas grand-chose sur vous en fait". Je ne ferai pas de commentaires et renverrai chacun à son analyse de quelques morceaux choisis parmi les éléments qui nous furent servis "confraternellement" ce jour-là:

"Il y a des diarrhées dans le Covid ? Vous ne savez pas faire la différence entre une gastro et un Covid ?"

"Vous confondez allergie et Covid ?"

"Si vous avez raison, je vous demande moi-même le prix Nobel !"

"Vous croyez être capables d’écrire un article scientifique ?"

Et j’en passe… Pour rappel, ce n’est ni la mission et encore moins de la compétence d’un ordre départemental que de juger la validité d’une thèse scientifique. Et pourtant, ce fût « notre fête » pendant presque la moitié des échanges !


Vous demandiez ce que l’on pouvait retenir de cette audience de conciliation. Parlons plutôt de ce qui en a été retenu par le CDOM74. Et pour cela, référons-nous au "PV d’audience" où l’on peut lire, de la main même du Président du CDOM74, le Dr LABARIERE: "Ce n’est pas une expérimentation mais un recueil de données sur 26 patients d’autres médecins." "C’est un recueil de données de prescriptions hors AMM." "est en arrêt de travail"

On s’étonnera donc de la suite donnée, à savoir "la participation à une expérimentation sur l’homme" alors que le CDOM74, au travers de l’écrit officiel de son Président, montre autre chose: un travail de synthèse de données observationnelles.

Précisons également que le CDOM74 était parfaitement au fait de notre situation professionnelle depuis janvier 2020 (arrêt de travail) puisqu’il est impliqué dans une autre affaire où nous avons donné l’alerte sur des faits anormaux observés dans notre établissement de soins. Mais ne serait-ce pas là que le bât blesse? En tout cas, ne peut-on le penser, si l’on comprend bien les révélations faites dans l’article du journal Le Faucigny 17/09/2020*, non démenti a priori à ce jour?


Comment s’est passée l’audience disciplinaire à Lyon du 18 mai 2022?


La présence d’autant de soutiens (plus de 150 personnes), mais aussi la mobilisation par mail organisée par certaines associations ou anonymes, nous a permis de mieux supporter la pression. Être jugé par ses pairs et être accusé d’expérimentation illégale sur l’homme revient, pour moi, à me ranger dans la catégorie « criminel nazi », et je pèse mes mots. C’est mon ressenti depuis le départ. Lire et entendre ces accusations a profondément impacté mon moral depuis deux ans. Heureusement les gens, les malades et les associations ne l’entendent pas comme l’ordre…

L’audience a été l’occasion d’exposer la réalité factuelle niée par les accusateurs et ce malgré les évidences !

Elle a permis également de clarifier certains points utiles à la bonne compréhension de cette "affaire". Je compte maintenant sur nos pairs, sous l’égide du Magistrat, pour qu’ils retiennent les faits et non des allégations… C’est l’essence de la Justice et de la science.


Avez-vous prescrit des antihistaminiques dans le cadre du Covid-19?


C’est là où ça se complique… un peu.

Permettez-moi un petit rappel contextuel qui éclairera sans doute chacun : les Docteurs Gonnet, Kaji et moi-même étions en arrêt de travail depuis début janvier 2020, avant donc l’arrivée du premier cas Covid sur le territoire qui date du 24 janvier 2020, sauf erreur de ma part. Nous étions salariés d’un établissement sanitaire privé et avons été lanceurs d’alerte dans une sombre affaire de pratiques médicales anormales de la part d’un de nos confrères. Selon la presse, le praticien en question serait sous le coup d’une mise en examen pour 8 assassinats - l’enquête est en cours. Comme chacun sait, il est parfois éprouvant d’être lanceur d’alerte, sans compter l’impact émotionnel de découvrir un confrère responsable de telles déviances.

Ainsi, lors de l’émergence de la pandémie de Covid, nous avons mis à profit ce temps libre "forcé" pour étudier les données disponibles. En février 2020, nous avons formulé une hypothèse sur la physiopathologie possible aboutissant à certaines évidences thérapeutiques. Pour schématiser, nous avons théorisé l’importance de l’interaction virus-hôte et la dangerosité potentielle, non pas du virus lui-même, mais de ce qu’il déclenche de façon variable chez son hôte, à savoir une cascade immuno-inflammatoire faisant toute la gravité et le pronostic du Covid. De ce fonctionnement physiopathologique sont apparues évidentes certaines ressources thérapeutiques dont notamment les antihistaminiques.

Nous avons communiqué cette théorisation à de nombreuses structures et de multiples praticiens dont certains sont revenus vers nous pour faire part de leur utilisation, dans le cadre de leur libre prescription hors AMM, avec des résultats plus qu’encourageant.

Nous avons dès lors colligé les données anonymisées issues de nos confrères, et mis en forme les choses. Notre travail a ensuite été diffusé à toutes les structures médicales et scientifiques possibles afin d’attirer l’attention des équipes de recherche et de soin.

Les choses étant précisées, la réponse à votre question est donc : non ! Nous étions en arrêt de travail! Notre rôle n’a été que théorique à partir de données observationnelles issues de médecins tiers. Ceci a parfaitement été expliqué en mai 2020 au CDOM74... à l’évidence en vain, au regard de leurs accusations.


Est-ce que ce médicament est en vente libre en France?


Laissez-moi préciser qu’à aucun moment nous n’avons mentionné de médicament. Notre théorisation et notre synthèse observationnelle font référence à une classe thérapeutique, les antihistaminiques.

Certes, certains antihistaminiques sont en vente libre, en pharmacie, sous l’égide de la délivrance des substances non inscrites au tableau des obligations de prescription.

Mais une pharmacie n’est pas un supermarché. La délivrance, y compris sans obligation de prescription, doit bénéficier du conseil pharmaceutique tel que précisé, sauf erreur, dans l’arrêté du 28/11/2016 modifié en 2021.

Ainsi, aucun patient ne peut y avoir accès sans l’avis d’un professionnel de santé… éliminant de facto toutes contre-indication ou/et interactions médicamenteuses.


Ont-ils une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM)?


Cela dépend de quelle AMM on parle. En 2020, aucun médicament n’avait d’AMM dans le Covid. Pas même le paracétamol pourtant conseillé par les "présentateurs télé"!

Il existe plusieurs classes d’antihistaminiques (antiH1, antiH2..) et plusieurs générations. Ainsi, selon la molécule, les AMM peuvent varier. Mais globalement, il existe 3 indications pour cette classe thérapeutique: les allergies, les troubles de l’anxiété et du sommeil, l’acidité gastrique et les reflux gastro-œsophagiens.


Depuis quand les antihistaminiques sont-ils connus?


Les antihistaminiques, c’est 2 prix Nobel de médecine : l’un en 1957 et l’autre en 1988. Leur connaissance n’est donc pas récente. La première substance antihistaminique (un dérivé de la diéthylamine) a été identifiée comme telle par Daniel BOVET et A. M. STAUB en 1937 ; et sauf erreur, les antihistaminiques de synthèse sont connus depuis 1942.


Pour reprendre le chef d’accusation "mise en danger des patients", avez-vous mis en danger vos patients?


Pour mettre en danger nos patients, il aurait fallu qu’il s’agisse de nos patients! Je le rappelle: notre travail a été théorique, à partir des retours terrain de praticiens ayant choisi, en toute liberté et indépendance, d’utiliser leur droit à la prescription hors AMM dans le Covid.

Tout d’abord, un point de démonstration factuelle : Le CNOM, dans son communiqué du 23 avril 2020 précise: "Le CNOM a informé l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de ces protocoles qui s’inscrivent en dehors de la législation en vigueur et tirera le cas échéant les conséquences de l’avis de l’ANSM."

Le CNOM, dont les missions et les compétences ne sont pas de juger l’éventuelle dangerosité de l’utilisation d’un traitement, saisit légitimement l’ANSM tout en précisant que : "La mise en danger des patients, s’il apparaissait qu’elle puisse être provoquée par des traitements non validés scientifiquement, pourrait justifier dans ces circonstances la saisine du Directeur général de l’ARS pour demander une suspension immédiate de l’activité de ces médecins."

Ainsi donc, saisie en urgence par le CNOM, l’ANSM n’a manifestement pas considéré que l’utilisation des antihistaminiques dans le Covid puisse constituer une mise en danger puisqu’aucune « suspension immédiate » n’a été prononcée.

Dès lors, nos accusateurs, le CDOM74 (plainte déposée en juin 2020, soit 1 mois ½ après la saisine en urgence de l’ANSM) mais aussi le CNOM (plainte déposée en février 2021, soit plus de 10 mois après leur saisine) ne peuvent ignorer la position de l’ANSM car, lorsque le CNOM menace de "suspension immédiate", il y a fatalement notion d’urgence dans la réponse demandée à l’ANSM.

Force est de constater que les deux entités accusatrices n’ont pas tenu compte de l’avis de l’ANSM et ont persisté dans leurs accusations.


Les patients allergiques traités par antihistaminiques devaient-ils arrêter leur traitement en cas de Covid?


Sur un plan médical et pharmacologique, les sociétés savantes s’étaient très tôt prononcées en spécifiant que les allergiques traités par antihistaminiques ne devaient pas interrompre leur traitement en cas de Covid. L’association antihistaminiques-Covid ne met donc absolument pas en danger les patients, bien au contraire pourrait-on ajouter. Cette innocuité en cas de Covid, spécifiée par les sociétés savantes, avait bien évidement été transmise au CDOM74 en réponse à leur demande.

Enfin, cette dangerosité est reliée par le DCOM74 et le CNOM à la possible automédication. Pour rappel, en aucun cas nous avons mentionné dans la presse grand public de médicament ni même de molécule. Nous avons fait état de notre théorie et de notre travail observationnel sur une classe thérapeutique. De plus, CDOM74 et CNOM, au travers de leurs accusations, oublient à l’évidence le travail de conseil, réglementairement défini, incombant à chaque pharmacien avant toute délivrance de substance y compris non soumise à l’obligation de prescription.


Concernant l’intérêt des antihistaminiques dans le cadre de la prise en charge d’une infection au SARS-CoV-2, avez-vous partagé cet avis avec d’autres professionnels de santé? Quels ont été leurs retours?


Nous avons largement partagé notre théorie, entre fin février et mi-mars 2020, au travers d’envois multiples de mails à destination des professionnels de santé et des chercheurs sur tout le territoire national.

Nous avons eu peu de retours en France. Mais ceux des médecins qui avaient retenu l’hypothèse et intégré les antihistaminiques dans leur prise en charge étaient très encourageants et cela nous a incité à formaliser notre travail observationnel. A noter qu’il s’agissait d’un retour terrain, dans les conditions de l’époque. Le but était de fournir un support plus « lisible » que la pure théorisation.

A l’inverse, de nombreux contacts se sont créés avec des équipes dans le monde entier et parfois aux qualités scientifiques incontestables.


Quand avez-vous émis l’hypothèse que les antihistaminiques pouvaient avoir un bénéfice/risque favorable dans la prise en charge du COVID-19?


Dès février 2020.


Sur quoi basiez-vous cette hypothèse? Quelles ont été vos observations? Est-ce la réaction immuno-inflammatoire excessive que le SARS-CoV-2 génère chez certaines personnes?


Tout à fait, la réaction immuno-inflammatoire que le SARS-CoV-2 peut générer chez certaines personnes était selon nous la clef de la problématique du Covid. Les confirmations n’ont du reste pas trop tardé puisque rapidement, le désormais célèbre « orage cytokinique » a fait son apparition dans les médias.

On va simplifier bien sûr mais, globalement, notre hypothèse se basait sur l’observation des données chinoises et la répartition démographique des cas de Covid. La tranche d’âge la plus affectée, à savoir les 40-59 ans avec plus de 85% dans les séries chinoises de l’époque, n’étant pas celle où l’on s’attend à voir émerger fortement et avec des cas graves, un virus respiratoire. Cette population étant la plus immuno-réactive en comparaison aux populations pédiatriques et gériatriques, n’était donc pas censée être la plus vulnérable... sauf si l’emballement du système immuno-inflammatoire était une composante importante dans le Covid.

Nous avons ainsi théorisé le possible intérêt des antihistaminiques, mais aussi de tout agent minimisant l’immuno-inflammation (antileucotriènes, anti inflammatoires antiCOX2, antipaludéens de synthèse, corticoïdes et autre immuno-modulateurs).

De plus, la symptomatologie clinique du Covid, telle que décrite dans les séries chinoises (rares cas en Europe à l’époque), était superposable aux effets connus de l’histamine. Dès lors, les antihistaminiques devenaient une piste thérapeutique évidente.


Pourquoi, face à un tableau immuno-inflammatoire, avoir choisi les antihistaminiques plutôt que les corticoïdes ou autre anti-inflammatoire?


Ce n’est pas aussi simple en fait. Selon le stade d’évolution de la cascade immuno-inflammatoire déclenchée par l’interaction SARS-CoV-2-hôte (au travers notamment de la protéine spike), les antihistaminiques seuls pouvaient ne pas suffire. Nous avons ainsi défini un concept a priori spécifique au Covid, à savoir la notion de « thérapie multi-classe à déploiement séquentiel » que nous avons nommé "théorie du couloir".

Pour schématiser, représentons-nous l’évolution de la maladie comme un long couloir avec de multiples portes fermées à clef. Il existe un passe-partout pouvant ouvrir (directement ou non) chacune des portes. Cette clef c’est l’histamine. Si vous enlevez très tôt cette clef, aucune porte ne s’ouvre. Si vous attendez avant de la supprimer ou si la cinétique (« l’orage ») est très importante (chez les sujets très immuno-réactifs donc), certaines portes vont s’ouvrir. Pour refermer chaque porte, ce sont d’autres classes thérapeutiques qu’il conviendra alors d’utiliser tout en continuant à empêcher la poursuite des ouvertures en neutralisant la clef initiale.

Donc antihistaminiques : oui, toujours et tout le temps, mais parfois pas seuls. C’est la "thérapie multi-classe à déploiement séquentiel"!

La plupart du temps, l’utilisation d’antihistaminique le plus précocement possible permet de se dispenser de toute autre molécule.

Vous comprenez bien qu’en aucun cas nous n’avons préconisé - ou même laissé entrevoir - qu’une automédication serait salutaire. Il faut évidemment un praticien informé et rôdé à l’exercice.


Pouvez-vous nous parler de ce que l’on appelle "un orage cytokinique"?


Il s’agit du substratum biochimique de l’évolution évoquée; une "cascade" complexe avec de multiples interactions et une multitude de molécules. Ce qui est sûr, c’est que peu importe où vous regardez dans cet "orage", vous y trouverez toujours un lien, direct ou non, avec l’histamine.


Freiner la production d’histamine pourrait donc éviter la cascade d’évènements aboutissant à une réponse inflammatoire inappropriée chez certains sujets?


Tout à fait! Cependant, je ne dirais pas chez "certains" sujets mais chez "tous les sujets"! Et j’ajouterais, comme expliqué plus haut, que cela peut ne pas suffire isolément.

Par ailleurs, les antihistaminiques ne font pas que freiner la production d’histamine. Ils ont été démontrés depuis comme s’opposant à l’adhésion cellulaire du SARS-CoV-2 en bloquant l’interaction spike-ACE2. Ainsi, ils empêcheraient la réplication virale et s’opposeraient au déclenchement de la cascade immuno inflammatoire délétère. Pour ma part, je pense qu’ils agissent à presque tous les stades, du contact initial aux effets pathogènes terminaux. Mais ça cela reste à consolider et démontrer.

Récemment, une étude pharmacologique de docking moléculaire a mis en évidence que 7 voies biochimiques connues impliquées dans la physiopathologie du Covid (pour faire simple) présentaient 11 possibilités de "blocage" par 30 des 32 antihistaminiques étudiés. Nous sommes ainsi très loin de la seule baisse du taux d’histamine.

Cela devrait venir en appui des constats cliniques qui semblent montrer une variation de la symptomatologie impactée selon la molécule antihistaminique utilisée. Il semble que certaines molécules soient plus adaptées en cas de signes neurologiques, d’autres en cas de diabète associé etc. Cela reste bien évidement à explorer… pour peu que l’on puisse. On arriverait à une thérapie individualisée, adaptée au plus près des symptômes. Nous allons y regarder de plus près, ici ou ailleurs, nous ou d’autres... mais il faut s’y pencher!

N’en déplaise à certains confrères qui se gaussèrent de nous sur différents médias début 2020: non, l’histamine et les antihistaminiques ce n’est définitivement pas "que dans l’allergie".

Quant aux données acquises par la science en 2020 (qu’on nous reproche de n’avoir pas respectées), j’invite mes honorables confrères du CDOM74 et du CNOM à réaliser quelques recherches sur l’intérêt des antihistaminiques dans la lutte contre certains virus (ou autres pathologies) en commençant bien avant 1997!


Vous êtes-vous exprimés dans la presse?


Oui et non. Nous avions cherché à obtenir les coordonnées de confrères dont le journal Le Parisien faisait état de leur utilisation de diverses molécules (dont un anti-leucotriène) avec des résultats encourageants. Nous voulions évidement en savoir plus… D’un contact informel avec le journaliste - qui voulait comprendre en quoi son précèdent article pouvait servir l’évolution des prises en charge - nous nous sommes retrouvés dans un article de presse grand public... Peu importe. Si en France, un seul médecin a pu grâce à cela affiner sa pratique, alors nous avons contribué à faire avancer les choses.

Le problème, c’est que cela nous est reproché et que nous avons été licenciés pour "faute grave"… avant toute décision ordinale disciplinaire!

Je tiens juste à rappeler que :

  1. En 1998, la cour européenne des droits de l’homme a spécifié qu’en cas de débat d’intérêt général, un médecin ne devait pas être inquiété par les structures étatiques ou infra-étatiques pour avoir, dans ce cadre, fait valoir un point de vue, même minoritaire.

  2. La déclaration d’Helsinki en son point 37 précise que, le cas échéant, les observations faites dans le cadre de prescriptions hors AMM doivent être "rendues publiques".

  3. D’autres textes tels que la déclaration de Genève de 1948 ou même le bon vieux serment d’Hippocrate, ne disent pas autre chose…

Il est étonnant de devoir, en France, faire référence à ce type de textes internationaux pour protéger la libre expression d’un médecin. Il me semble que ces textes n’étaient pas, à l’origine, spécialement faits pour cela dans un pays comme le nôtre. C’est d’ailleurs ce que notre avocat, Maître BENAGES, a clairement exprimé dans sa plaidoirie.


Nature – revue scientifique de référence – évoquait l’intérêt des antihistaminiques dès avril 2020. Des travaux de modélisation ont-ils été réalisés depuis? Y a-t-il eu d’autres publications dans la littérature scientifique ou des études qui auraient démontré l’intérêt des antihistaminiques dans le cadre d’infection au SARS-CoV-2?


Oui, et dans toutes les disciplines: de la biologie cellulaire et moléculaire, à un tout récent essai randomisé, en passant par des études statistiques sur des cohortes de près d’un quart de million de personnes…

Pour un certain nombre d’entre elles, nous avons eu l’honneur de les recevoir en "avant-première" - en "preprint" - et cela nous a touchés à chaque fois. La première, c’était en mai 2020 - juste avant notre convocation à l’ordre des médecins - émanait du Massachusetts Institute of Technology avec qui nous sommes entrés en contact et avons échangé par la suite. Pour l’anecdote, le directeur du laboratoire de biologie cellulaire et moléculaire du MIT s’est même manifesté la veille de notre audience en chambre disciplinaire : il a exprimé son point de vue par mail au CNOM et au CROM, références à l’appui. Point de vue qu’il a complété, au dernier moment, avec une publication qu’il venait de recevoir. Deux mails en moins de 12 heures pour des toubibs insignifiants à l’autre bout de la terre ! Il a même été spécifié dans ces mails que notre proposition thérapeutique avait permis, par rapport à la population étudiée dans nos travaux de 2020 et en comparaison à une population similaire non prise en charge par antihistaminique, de gommer les 30% de cas graves attendus. Tout est dit : nous avons fait notre boulot.

Je terminerai en disant que depuis deux ans le poids de l’opprobre jeté sur nous - par nos pairs en France (et seulement en France) - a fortement limité notre implication publique. En effet, bien que notre étude de 2020 soit considérée par beaucoup à l’international comme l’étude pilote sur le sujet, bien que cela nous ait ouvert des participations des plus notables et gratifiantes (reviewing pour Frontiers in pharmacology ou encore le journal international des maladies infectieuses, discussions avec des équipes du monde entier…), de telles accusations nous avaient profondément affecté et limité dans nos éventuelles entreprises.

Aujourd’hui, c’est terminé! L’audience disciplinaire et les nombreux soutiens reçus à cette occasion ont été la "thérapie psychologique" dont nous avions besoin. On nous accuse d’avoir "divulgué de faux espoirs thérapeutiques"... Et bien notre réponse est claire : Espoir oui! Faux… toujours pas, 2 ans après!

La publication de Nature ne nous avait pas été d’un grand secours face au CDOM74 et au CNOM... Les récents articles dans Femmes Actuelles, Santé Magazine et autres (ici et ), faisant état d’un "espoir" pour les "54 millions de patients souffrant de séquelles du Covid" sauront peut-être changer les choses. Ils seront faciles à lire puisqu’en français.





* L’article du journal local Le Faucigny du 17/09/2020 "Un docteur Jekill et Mister Hyde a-t-il sévi chez Korian" n’étant plus disponible en ligne, nous l’avons obtenu du Dr Arminjon. On y apprend que les autorités judiciaires ont été saisies par le CDOM74 suite à une surmortalité inédite dans un établissement SSR (Soins de Suite et de Réadaptation) du groupe Korian. Dans cette affaire, les Dr. Arminjon, Gonnet et Kaji auraient lancé d’alerte en informant la direction de l’établissement de la fréquence anormale des décès chez leurs patients.

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